La génération sacrifiée - A lost generation
Après notre poignante visite à la prison, le tuk-tuk nous conduit à travers la ville sur une quinzaine de km vers les champs de la mort, plus connus sous leur nom anglais de Killing Fields. En nous éloignant du centre touristique, nous nous enfonçons dans des rues encombrées et poussiéreuses; les déchets jonchent les bas-côtés, l'odeur d'eau croupie avec la chaleur est difficilement supportable. Partout autour de nous, c'est l'extrême pauvreté. Les infrastructures grandement endommagées pendant le régime de la terreur, puis l'occupation vietnamienne, ont dû mal à s'en remettre. La ville ne dispose que de 3 lignes de bus. Une partie de la jeunesse, qui devrait être à l'école, est dans la rue. Le Cambodge demeure encore largement dépendant de l'aide internationale et la population démunie, sans retraite ni assurance sociale, de la charité et des ONGs, très abondantes au pays. Un tiers des Cambodgiens vit sous le seuil de pauvreté et la malnutrition chronique touche jusqu'à 60% des enfants dans certaines provinces.
Nous arrivons au site de Choeung Ek, maintenant un mémorial du génocide, et découvrons un endroit paisible, bien aménagé, avec un stupa moderne à l'entrée. Et une légère odeur de mort. À moins que cela ne soit notre imagination... Partout autour de nous, des fosses à présent vides. Le sol, plein de dépressions, semble avoir subli un bombardement. C'est ici, qu'à la fin de près de 4 ans de terreur, les khmers rouges tuaient jusqu'à 300 personnes par jour, beaucoup de celles-ci étant des membres de leur propre groupe en qui les leaders n'avaient plus confiance. Quand le charnier fut mis à jour en 1979, l'odeur à l'époque y était atroce et l'icompréhension totale.
Les prisonniers de S-21 sont envoyés ici et exécutés dès leur arrivée, mais sans balle (il faut économiser les munitions). On ne tue pas une personne, mais toute la famille, les enfants ne faisant pas exception. L'Angkar répète: « Couper une mauvaise herbe ne suffit pas, il faut la déraciner.» Les crânes exhumés témoignent de l'horreur de leur exécution. Ils sont maintenant empilés dans le monument en forme de stupa, devenu centre de commémoration, sur 17 étages, pour le 17 avril 1975. Il reste encore des fosses non exhumées, où des os et des lambeaux de vêtements remontent à la surface et réapparaissent ça et là à la saison des pluies. Mais il n'y a plus de place dans le stupa. Alors, on les laisse reposer là, respectueusement. On a dénombré des milliers de terrains d'exécution et charniers à travers le Cambodge.
Pol Pot est mort en 1998, affaibli par des problèmes de santé, sans avoir été jugé. Seul Duch reconnait ses crimes et s'en excuse faiblement lors de son procès en 2009. Les autres leaders encore en vie refusent toujours de reconnaître leur culpabilité.
Nous comprenons à présent pourquoi le Cambodge a du mal à se remettre sur pied. Une grande partie de l'élite a été exécutée ou a réussi à fuir; la corruption, véritable fléau, est un frein au développement du pays; le gouvernement ne fait rien pour son peuple; tout cela, ajouté aux souvenirs traumatisants encore dans les esprits... Comment peut-on se reconstruire après ça? Tous nos chauffeurs de tuk-tuk, dans la trentaine, font partie de cette génération sacrifée. Ils ont grandi pendant ces terribles années. Certains, plus bavards que d'autres, nous ont d'ailleurs un peu raconté, le fait qu'ils n'aient pas pu aller à l'école (il n'y avait plus d'école et les enseignants avaient été exécutés). Ils nous demandent aussi, si le Canada connaît leur histoire. Nous disent tristement que les Cambodgiens, non. La transmission entre les générations se fait difficilement. La honte, la peur qu'on ne les croit pas, les adultes préfèrent alors se murer dans le silence. On n'en parle juste pas. L'histoire de cette époque n'a seulement commencé à être enseignée au secondaire qu'à partir de 2009, 30 ans après les événements. On sent bien que le pays veut oublier son passé, revenir à la vie (Phnom Penh, ville extrêmement dynamique en est un bel exemple), mais comment le peut-il?
Nous quittons le Cambodge le coeur gros. Ce pays, capable du plus beau comme du plus laid, nous a bouleversés.
After our emotional visit to the S-21 prison, the tuk-tuk drove us towards the Killing Fields. Away from the tourist center, we crossed crowded, dusty, garbage filled streets. On the way, we saw extreme poverty. The city infrastructure is still in poor condition following the period of terror and occupation. The city only has 3 bus lines. Many children are in the streets, instead of being in school. Cambodia is very dependent on international aid, charity and NGOs. The population is poor and has no social security or pension plan.
We arrived at the site called Choeung EK. It is now a memorial to the genocide. We discovered a calm and peaceful place, there is a modern stupa in the center. And a light odor of death. All around us we could see empty ditches in the ground, it looked like it had been bombarded. It is here, during almost 4 years of horror, that the Khmer Rouge slaughtered up to 300 people a day, including members of their own group who no longer had the confidence of their leaders. The Vietnam army discovered and brought the Killing Fields to the world’s attention in 1979.
The prisoners of S-21 were sent here and executed on their arrival. They were not shot but bludgeoned to death (to save ammunition). They would not kill a person, but would kill their whole family, including the children. The Angkar would say: « In order to kill a weed, you must remove the roots. ». The skulls are placed in the 17 floors of the stupa, in memory of April 17, 1975. There are still many not yet exhumed burial grounds around the site. Often, bones or pieces of clothing come up to the surface during rainy season. Since there is no place in the stupa, they respectfully leave the remains in their place. There are thousands Killing Fields in Cambodia.
Pol Pot died in 1998, of old age and poor health. Only Duch recognized his guilt and offered a weak apology during his trial in 2009. The other Khmer Rouge leaders have refused to acknowledge their guilt in the genocide.
We can understand how Cambodia has a hard time getting back on its feet. A large part of the elite either escaped the country or was murdered during the atrocities. The government does little for the people, corruption is a way of life. All of our tuk-tuk drivers were in their 30s, they are part of the sacrificed generation, growing up during the horrors. Some were open to talking about their past, telling us that they never went to school (they were closed by the Khmer Rouge and the teachers were executed.) They asked us if people in Canada knew what had happened in Cambodia. They added that sadly, a lot of Cambodians do not. Many don’t want to talk about their past. The subject of the Cambodian genocide only started to get taught in Cambodian high schools in 2009, 30 years after the events. We get the impression many want to forget the past.
We leave with heavy hearts. This country, that showed us the best and the worst of mankind, has not left us indifferent.
Sur le chemin menant aux champs de la mort, la route semble nous préparer mentalement à ce que nous allons voir. - On our way to the Killing Fields, the road seems to mentally prepare us.
Chacun de son côté découvre l'horreur en audio, étape par étape. - We each discovered the horror of the site at our own pace thanks to the audioguides.
Illustrations démontrant chaque étape. Les prisonniers arrivent par camions au camp d'exécution directement de la prison Tuol Sleng. - Illustrations showcasing each step. Trucks drove the prisonners from Tuol Sleng to the execution camp.
Instruments d'éxécution. Pas d'armes à feu. Même l'écorce des arbres extrêmement coupante était utilisée, on ne devait pas alerter les populations vivant aux alentours. - Execution instruments. No fire weapons. Even sharp bark was used. They did not want to alert the population living around the camp.
Les enfants aussi. On ne rentrera pas dans le détail. - Children were not spared, we won't go into the gory details.
Restes humains, découverts en 1979. On remarque les yeux bandés et les bras attachés derrière le dos. Les victimes étaient agenouillées, matraqués avec différents objets et poussés dans les fosses. Entrepot de substances chimiques, comme le DDT. Elles étaient utilisées pour camouffler la puanteur des corps en décomposition, qui aurait pu alerter la population, mais aussi pour finir de tuer les victimes enterrées vivantes. - Human remains discovered in 1979. We can notice that the eyes are blind folded and the arms tied behind their back. The victims were knelt, bludgeoned and pushed into the ditch. They used DDT and other chemicals to eliminate the stinch from the dead bodies and to kill off vitims burried alive.
Des os, dents et lambeaux de vêtements apparaissent tous les mois sous le coup de l'érosion des sols. - Bones, teeth and clothings appear each month with the soil erosion.
Choeung Ek n'est qu'un charnier sur les milliers découverts au Cambodge. - Choeung Ek is one of thousands of killing fields discovered in Cambodia.
Uniformes des Khmers rouges avec leurs sandales construites dans des pneus recyclés. On les surnommait les chauves-souris. - Uniformes of the Khmer rouge; the sandals are made of recycled tires.